Ce livre a eu un beau succès à sa sortie, et pourtant je suis complètement passée à côté. Il a fallu que je le trouve sur la table du salon chez mes parents (qui eut cru que je trouverais des conseils BD et SF chez eux ?) pour que je me laisse tenter (car entre-temps j’avais entendu une interview de l’auteur qui m’avait bien intéressée, et puis M’sieur Raton l’avait lu et aimé, et puis la couverture donne envie, quand même, il faut bien le dire…).
L’idée de l’intelligence artificielle, dont on parle d’ailleurs beaucoup en ce moment, et des androïdes est un fantasme récurrent de la science-fiction. Mathieu Bablet va jusqu’au bout de l’incarnation de cette idée, et ce sont justement Carbone et Silicium qui sont créés par une équipe de chercheurs, un androïde homme et un androïde femme. Les étapes de la mise au point sont intéressants (avec notamment la décision quant à la morphologie de ces androïdes, un petit joyau de misogynie très bien rendu !), mais c’est ensuite surtout l’évolution de ces personnages qui est intéressante.
Le livre pose de nombreuses questions : sur l’immortalité, sur la filiation (le lien de la scientifique avec ses « créatures » est intéressant), sur l’amour. Et puis, surtout, cette question : serions-nous meilleurs, ou au moins différents, si notre connaissance était immense ? Ces androïdes sont capables d’avaler toutes les données des réseaux informatiques, de répondre à toutes les questions, mais, finalement ils se comportent exactement comme nous, juste sur le plus long terme. Ils ont les mêmes états d’âme, font les mêmes erreurs... Mais est-ce parce qu’ils sont finalement, qu’on le veuille ou non, une construction humaine, ou est-ce parce que c’est inhérent à toute forme d’intelligence ?

Ce livre pose beaucoup de questions, auxquelles il laisse le lecteur répondre (ou plus exactement chercher les réponses). Des questions toutes plus vertigineuses les unes que les autres. J’ai peut-être été un peu déçue par le côté humain trop humain de ces deux androïdes, mais finalement, je me suis prise au jeu et j’ai beaucoup apprécié cette bd au long cours, qu’il faut prendre le temps de savourer et qu’il ne faudra pas que j’hésite à relire de temps à autres quand j’aurai envie de me confronter à deux ou trois petites questions philosophiques, accompagnées d’un dessin travaillé qui fourmille de détails.

Un album qui mérite des relectures car le texte (et les idées) sont denses.
Carbone et Silicium sont 2 intelligences artificielles. Connectées à internet, elles savent tout de l'espèce humaine… au point de devenir également un peu humaines.
Une réflexion sur la définition de l'humanité. Magistral ! ( )

https://fromtheheartofeurope.eu/carbone-silicium-by-mathieu-bablet/

Carbone ("Carbon") and Silicium ("Silicon") are two artificial intelligences constructed in the near future, given humanoid bodies, and observing and participating in the gradual decline of humanity and the end of the world in environmental catastrophe. It's much slower paced than, say, Barbarella, but thoughtful as well as grim. As my regular reader knows, I'm not a huge fan of stories with anthropomorphic robots; however this somehow worked for me. ( )

Très bel album. Puissant, profond, soutenu par un graphisme magnifique, une construction des pages très intelligente. Bref un coup de coeur. Cet album démontre la maturité acquise par la bande dessinée aujourd'hui en faisant partie de la littérature et avec ses atouts permets de traiter des sujets et thèmes très profonds tel que : la place de l'homme dans l'univers, sa relation avec la nature, son basculement permanent entre ses instincts et son intellect, l'individualisme et la société, l'évolution de l'humanité, les relations entre l'intellect, les sentiments et les sensations, le corps.

Carbone et Silicium sont deux intelligences artificielles, dont les principes de fonctionnement repose sur la pyramide de Maslow et la satisfaction des besoins de base pour pouvoir ensuite satisfaire des besoins plus élaborés. Pour sécuriser le système les inventeurs de ces deux AI leur ont donné une durée de vie limitée de quinze ans maximum. Mais rien ne va se passer comme prévu. Silicium s'échappe et aspire à découvrir la totalité de la terre, ses paysages, ses habitants. Carbone est libéré de sa durée de vie limitée par son inventrice en lui donnant la possibilité de se réincarner dans d'autres robots à chaque fin de cycle. Carbone et Silicium vont se rechercher à travers le monde pendant des dizaines d'années tout en observant l'évolution de l'humanité.

Préface de l'album :
On me demande souvent comment est ne le projet "Carbone & Silicium". Au commencement, nous avons nourri nos intelligences artificielles avec le plus de données possible, créant ainsi des puits de connaissances parfaitement inutiles. Alors, qu'est ce qu'il nous manquait ? Qu'elle était la différence entre une quantité gigantesque de données et l'intelligence ? Comment rendre notre I.A. humaine ? Pour cela, il nous fallait définir ce qui caractérise nos individualités. Elle peuvent être résumées, dans leur essence, au désir de vie et à une hiérarchie relative des besoins fondamentaux : boire, manger, dormir, copuler, avoir un sentiment d'appartenance et de réussite, etc. Une fois comblé, un besoin fondamental apporte satisfaction. Assouvir ses désirs devient donc presque la raison d'être de l'humain, quand ont réfléchit. Qu'ils soient vitaux ... ou non. Nous nous sommes alors réduits à un dénominateur commun ; la recherche de satisfaction.
Voilà comment nous allons insuffler la vie à nos créatures. Voilà comment nous allons fabriquer un être qui pense, mais surtout un être qui peut faire preuve d'initiative : encore créant un déterminisme dans la programmation de sa matrice qui fera apparaître l'étincelle de vie qui manque à un simple algorithme.
Mais les gardes fous ? Si vous leur permettez de chercher à tout instant à se satisfaire, vous n'allez pas au moins leur installer un moyen de les contrôler ?
Les garde fous existent déjà, et nous vivons même au milieu d'eux. La Société, la morale, les notions de bien et de mal... en somme, la culture apprise depuis les premiers instant de votre vie de bébé autocentré est ce qui vous retient d'agresser votre voisin parce qu'il a une plus grosse voiture, une plus grande maison ou une plus belle montre que vous.
Mais si les androïdes veulent transgresser ? Comme tous les humains, on le voudrait, certaines fois transgresser. Certains le font. Mais finalement on exprime rarement nos désirs profonds. SI nous parvenons à trouver plus ou moins l'équilibre entre nos besoins et les contraintes sociales, alors ils y arriveront aussi.


"L'individu est incompatible avec l'idée de société parce que l'humain n'est pas un être rationnel et encore moins quand il fait partie d'un groupe" (p179)
"Pour être complet il faudrait que l'humain soit à chaque instant libre d'écouter ses pulsions primaires, mais aussi de de conformer aux lois de la société qui le contraignent dans le but de préserver la paix sociale et de na pas nuire à don prochain" (p179)

=> Voir dernière vignette en bas de page 180 !

Tout a commencé dans un magma informe, une suspension d'acides aminés flottant au gré du ressac dans un océan primaire bouillonnant par un jeu d'infimes probabilités de micro-organismes en êtres multicellulaires d'amphibiens aux premiers mamifères, de la première peinture pariétale au premier pas sur la lune, les humains ont évolué. Et quand ils ne le voulaient pas c'est leur environnement qui les a poussées à changer. Le monde a toujours été en mouvement et ils l'ont accompagné dans sa folle danse, au fil des millénaires, distordant la matière à leur convenance, repoussant les limites mais ne pouvant pas aller au-delà de ce que leur imposait leur biologie, surtout ils ont toujours suivi le mouvement, sans en être vraiment le moteur. (p258) ( )